Cela fait plus d'une semaine maintenant que j'observe avec attention la fronde des chercheurs. J'y vois soit des appels vibrants à augmenter massivement les budgets et les embauches dans les organismes de recherche, soit des règlements de compte aigris avec le "milieu". Quid d'une réforme? Car après plusieurs années passées dans le monde merveilleux de la recherche la première évidence qui s'est imposée à moi est qu'il fallait d'urgence réformer ce monstre protéiforme qu'est l'appareil de recherche français. Il est de notoriété publique que Jean Perrin et Frederic Joliot Curie, les fondateurs historiques du CNRS et du CEA respectivement, étaient communistes, et cela se voit dans la structure et l'organisation de ces organismes. Hiérarchisation à outrance, flexibilité et adaptabilité nulles, administration omniprésente et toute puissante. Une telle organisation était peut-être parfaitement justifiée et efficace à l'issue de la guerre où tout était à (re)construire, mais force est de constater qu'elle conduit aujourd'hui ces organismes à une mort programmée et inéluctable. Une armée d'officiers où nul ne veut se battre, voilà ce qu'est la recherche en France. Que dire d'un organisme où il est "déconseillé" de passer des demandes d'achat de moins de 150 euros car leur traitement administratif a un coût supérieur, où il faut 1 an et demi à un thésard avant d'avoir le moindre morceau de manip? Quid de ces recrutements nationaux interminables, coûteux et hypocrites? Moyens ou pas, postes ou pas, pour moi la recherche française va mourir si elle s'obstine à ne pas vouloir changer. Cela commencera par une désaffection croissante des jeunes vis à vis des études scientifiques. Cela a déjà commencé et je ne vous cache pas que je m'efforce de décourager ceux qui me demandent conseil de faire une thèse et même carrément d'entamer des études scientifiques. Alors pourquoi ne pas décentraliser la recherche? Pourquoi ne pas cesser de financer ces structures dévoreuses de budgets pour financer des projets? Pourquoi ne pas permettre aux labos d'embaucher qui bon leur semble, puisque c'est ce qui se passe dans les faits? Pourquoi les chercheurs n'auraient-ils pas droit à de vrais contrats de travail? Est-il normal qu'il faille pleurer pendant deux mois auprès de l'administration universitaire après des vacations pour avoir une fiche de paie et un salaire mensuel? Pourquoi ne pas permettre aux chefs de labos d'être véritablement des "chefs", libres de développer ce labo comme bon leur semble, financés selon la portée des projets qu'ils proposent? Pourquoi laboratoires et universités ne pourraient-ils pas être des entités administratives et financières libres et autonomes? Pourquoi pas? Est-ce si extravagant de demander à la recherche de vivre avec son temps? Il me semble que l'équation est la suivante. La recherche a besoin de moyens financiers et humains importants et d'une profonde réforme. Sans réforme, argent et embauches seront gaspillés et parfaitement inutiles. Sans métamorphose la recherche française est condamnée à mourir étouffée sous son propre poids. Même les chenilles ont compris cette simple vérité.