Un monde idéal. Si le monde était bien fait (et ça n'est pas le cas, car ne dit-on pas, et on a toujours raison, le monde est mal fait?) alors les choses suivantes seraient vraies :

- L'océan atlantique mesurerait 2 cm de large (mais comme je suis quand même soucieux des lois physiques, notamment de la conservation de la masse dans le monde non-relativiste où nous vivons, j'accepte de bon coeur que la largeur manquante soit reportée sur l'océan Pacifique),
- 2 ans serait égal à zero,
- 47,5 km serait égal à zero,
- Du coup, conséquence tout aussi intéressante qu'inattendue, 46 minutes serait égal à zero aussi. Du coup ça fait beaucoup de choses égales à zéro dans ce monde idéal, mais ça se tient, parce que par exemple, ne dit-on pas qu'une dictée parfaite est une dictée où il y a zero fautes?
- Sérifontaine aurait 2 millions d'habitants et Paris 2000,
- Rien ne se perd, rien ne se crée, tout fout le camp,
- Les bretzels seraient plus gros et l'oesophage de W. Bush plus petit,
- J'aurais trouvé la chanson en A de Clarika avant que tu ne partes,
- Les cadavres déchiquetés dans un attentat auraient le bon goût de ne pas afficher leurs morceaux au journal de 20 heures,
- J'arrêterais de me poser de questions au mieux dénuées d'interêt, au pire empoisonnantes et auxquelles je n'aurai de toutes manières pas de réponse. Tandis qu'aux questions intéressantes, du genre combien vais-je payer d'impôts cette année, on a toujours une réponse. Comme quoi il n'est vraiment pas bien fait,
- Il faudrait moins de 25 minutes pour raser une barbe de 3 semaines avec un bic orange à une lame.

Voilà, c'est ça un monde idéal.

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"Dis comment tu sais toi que tes freins sont usés?"
Ben quand ils ne freinent plus.

Mais quel con ce Speedy. Mais quel con.

46 minutes. C'est le temps qu'il faut pour aller de Cergy à Sérifontaine, le temps qu'il faut pour parcourir 47,5 km sur une départementale où j'aurai statistiquement au moins un accident en deux ans. Puis il faut bien revenir. Ca ne se fait pas de dormir au travail, aussi attrayant que cela puisse paraître... 1 heure et 32 minutes par jour dans une voiture... Franchement j'ai autre chose à faire de ma vie que de passer 1 heure et 32 minutes par jour à tenter de survivre aux conneries de cinglés du volant. 26 jours 10 heures et 48 minutes passés à manger du bitume en deux ans. J'irai pas. Le grand professeur de Philadelphie qui m'avait proposé un post-doc en octobre m'en a proposé un autre début janvier, que j'ai refusé à nouveau. Le poste dans mon ancien labo eh bien il n'existe pas ce qui ne me suprend qu'a moitié (l'autre partie oscillant entre l'envie de meurtre et le pélerinage au Népal). L'article pour le congrès à Washington ils peuvent en faire du papier toilette je ne l'écrirai pas. C'est une basse vengeance mais je ne me sens pas vraiment grand seigneur ces temps-ci. Voire complétement indifférent au sort de mon prochain que je suis sensé aimer comme moi-même paraît-il. Oui bon eh bien il faudrait pour celà qu'il soit aimable le prochain en question. Je crois même qu'à l'instant présent (qu'il faut vivre m'a-t-on dit) la disparition brutale, violente et sanglante de 99 % de l'humanité m'arracherait un "mwah ah ah ah ah ah" à peine forcé suivi d'un trajet jusqu'au réfrigérateur pour attraper une bière. J'ai les nerfs un peu à fleur de peau et mon humour est en train de virer au noir-encre-de-seiche. Ca va saigner ce soir à l'escrime. Je ne suis pas mort, je suis plus fort (ah ah ah). Deux enseignements ce soir. Faire une thèse n'était pas une bonne idée, mais bon quand j'ai signé je n'en avais pas de meilleure. Faut dire que j'avais pas beaucoup d'idées à l'époque. Tandis que maintenant. Deuxième leçon le chômage c'est une encore moins bonne idée. Dans la grande classification des mauvaises idées que j'ai eu la thèse c'était quand même mieux. A peine mais bon. Quoique, le jour où j'ai vidé une bombe aérosol sur la flamme d'une bougie c'était pas sensationnel comme idée non plus, mais bon je devais avoir 12 ans alors j'étais pas encore sensé avoir des bonnes idées Ô enfance bénite. Tandis que maintenant. Enfin comme dit le sage :

Je m'en fiche j'ai du poil aux pattes,
Quand j'm'ennuie j'en fais des ptites nattes.

(Le sage)

Fuck The Consequences

Froutch...froutch...froutch...
Skouik...Skouik...Skouik...
Froutch...froutch...froutch...
Froutch...froutch...froutch...
Skouik...Skouik...Skouik...
Froutch...froutch...froutch...

10 minutes plus tard et 15 cm de neige en moins sur ma voiture.

Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...
Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...

Peste.

Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...
Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...

Flûte.

Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...
Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...

Bordel à cornes.

Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...
Dzinnnn...Dzinnnn...Dzinnnn...

Putain de bagnole tu vas démarrer oui???

Plus de batteries. Ca fait la deuxième fois en 3 semaines. Ca commence à faire un petit peu beaucoup. Quelques enseignements à tirer de tout cela, selon le vieil adage "tout ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort", enfin si ça ne vous tue pas. Moi je dirais plutôt tout ce qui ne vous tue pas finira bien par avoir votre peau un jour. La preuve? Bush finira par avoir la peau de Saddam. Quelques enseignements disais-je, car j'aime bien croire que je ne me suis pas levé pour rien.

- Menacer sa voiture de l'emmener à la casse ne recharge pas une batterie.
- Trépigner sur place en frappant le capot de sa voiture ne recharge pas une batterie.
- Maudire le fabriquant de ladite batterie jusqu'à la septième génération ne la recharge pas non plus.
- Laisser sa voiture sur place en se disant que la batterie finira bien par se recharger toute seule un jour est typique de ma vision de la vie mais pas une très bonne idée au fond je crois.

Oui Lulu tu vas me dire que tu savais déjà tout ça, mais toi tu sais beaucoup plus de choses sur la vie que moi. Moi je n'y comprends rien à la vie alors la batterie de ma voiture se décharge. Et il est absolument exclu que ce soit simplement parce que je ne m'en sers qu'une fois tous les quinze jours. N'y pense même pas.

Ah oui. Je viens de décider que je mourrai probablement à 43 ans d'un infarctus du myocarde en chantant à tue-tête "Eh Toto" de Boby Lapointe au congrès annuel du Parti Socialiste au terme d'une vie pleine de romantisme, de passion et de voyages. J'aime mourir précisément. Alors s'il te plait essaie de ne pas mourir avant tes 43 ans. Voilà une fin qui sera digne de moi, qu'en penses-tu? J'en ai plus que marre de voir toutes ces vies minables autour de moi, de ces couples qui restent ensemble juste pour ne pas être seuls, des caddys abandonnés, des prêts à 3,5 % pour acheter un appart, des églises trop pleines de croyants trop vides, des commerciaux qui me téléphonent pour me proposer à moi, qui ne sait pas combien il a sur son compte bancaire, de dépenser moins d'argent grâce à eux, du Pathé Gambetta qui a fermé, et par dessus tout marre que tout le monde ait tort. Mais allez-y, faites semblant de vous aimer, séparez-vous, couchez ensemble pour vous convaincre que vous vous aimez vraiment, trompez-vous encore, mentez-vous, trahissez-vous, amusez-vous bien. JE HAIS LA MEDIOCRITE. C'est relativement dommage pour quelqu'un de médiocre qui vit dans un monde médiocre. De la passion bordel. Du panache merde. Voilà ça va mieux Lulu. Pouf!

Après tout. Tu sais quoi Lulu? Je suis en train de me dire que c'est peut-être une chance incroyable ce poste en Picardie. Le poste en lui même me plaît beaucoup, faire mumuse avec cinq manip pour moi tout seul avec des moyens autrement plus élevés qu'au CEA, pouvoir être à l'origine de l'évolution des produits de la boite, tout en gardant la possibilité de participer à des congrès et de rédiger des articles, je ne crois pas que je trouverai souvent une occasion pareille, surtout par les temps qui courrent. En plus c'est un CDI et l'équipe m'a l'air rudement sympa. Finalement la seule chose qui me chiffonne c'est la situation géographique. Mais si j'habite à Cergy Pontoise je serai à 40 km, une demie heure de voiture, du travail, et à 40 km du centre de Paris en RER. D'autant plus qu'il paraît que la qualité de vie est très honnête à Cergy. Alors voilà ce que je vais faire, lundi je passe mon entretien, je réclame 40000 ¤ par an (hé ça n'est point gratuit la vie à Paris...) et puis je vais visiter un peu Cergy. Et si Cergy me plaît et qu'ils veulent toujours de moi je dis oui pour le meilleur et pour le pire... Voilà c'est ça que je vais faire. Parce qu'il faut bien le dire ils commencent aussi sérieusement à me courir sur le bonnet laponien au CEA... Oui, non, peut-être, deux baffes oui. J'espère que le dernier Dudule vivant supportera le déménagement. Ca leur a fichu un sale coup tu sais aux Dudules ton départ. Suicide collectif de Dudules, c'était affreux, heureusement que tu n'as pas vu ça. Le survivant c'est le Dudule inconnu de la forêt avec des taches blanches sur les feuilles, un dur à cuire celui-là. Mais ce Dudule là fait tout plein de nouvelles feuilles maintenant parce qu'il sait bien lui, contrairement à feu les autres Dudules, que ça ne peut pas rater. C'est impossible de rater. Non ça s'peut pas. Glop.

Se raser, ou ne pas se raser? C'est assez tragique. Je ne me suis pas rasé depuis que tu t'es envolée, determiné à ne pas le faire avant le retour du printemps et voilà que ce sanaté entretien va m'obliger à me séparer de ma barbe pas tout à fait fleurie. C'est une tradition chez le Nono de ne pas se raser l'hiver et plus encore lors des hivers sans Lulu. Et c'est aussi une tradition que de ratiboiser tout ça le premier jour du printemps. Vais-je devoir déroger à cette tradition du peuple Nono pour un stupide entretien? Sacrifier mon identité et mes racines sur l'autel du capitalisme sauvage? Lulu que penseras-tu de moi si je me rase pour une aussi vile raison? Un Nono d'hiver sans barbe c'est comme une Lulu sans chapeau, c'est comme Philadelphie sans bidons à feu... Dilemne. GNNNNN!

C'est arrivé près de chez moi.

LETTRE DU COLONEL BERGOT, du 362ème Infanterie

à Monsieur A. Ollier
_______

9 Juillet 1915.

Monsieur,

J'ai la profonde douleur de vous annoncer la mort glorieuse de M. le Sous-Lieutenant Jacqueau. Bien qu'aux termes des instructions en vigueur, cette douloureuse communication doive vous être faite par les autorités administratives, je ne veux pas vous laisser plus longtemps dans une incertitude angoissante, et quelque pénible que soit ma tâche, je crois de mon devoir de venir vous renseigner, en réunissant du fond du coeur ma douleur et celle de tout le régiment à la vôtre, à celle de sa pauvre femme et de ses pauvres enfants, à qui je vous prie d'exprimer les sentiments qui m'éprouvent.

Le triste accident s'est produit le dimanche 4 juillet à 8 h. 1/2 du matin. Pardonnez-moi si je n'ai pas eu le courage de vous écrire plus tôt.

Et maintenant que ma tâche si douloureuse est remplie, je me hâte de venir apporter à votre immense douleur, quelques éléments de courage.

D'abord ce fait que cette noble victime n'a aucunement souffert ! Il a été broyé subitement par une bombe dans son abri au poste de combat qu'il occupait à proximité de l'ennemi.

Puis cette déclaration solennelle que j'ai le devoir de vous faire, que M. le Sous-Lieutenant Jacques était un officier modèle, un homme de devoir remarquable, universellement aimé de ses chefs, de ses camarades et de ses soldats sur lesquels il exerçait un grand ascendant, par son courage tranquille, la noblesse et l'élévation de ses sentiments et de son caractère ! Ses enfants pourront être fiers de porter son nom.

Ensuite, cette assurance que je peux vous donner que ce vaillant chrétien a certainement reçu de son Dieu, dont il ne rougissait pas, et qu'il recevait régulièrement dans son coeur, la récompense suprême.

Enfin, il a été possible à ses camarades de lui rendre les derniers honneurs, et à un ministre de Dieu de bénir la tombe où il repose, dans un cercueil, dans le cimetière de Bras, près Verdun ; ce dernier renseignement doit, pour des raisons militaires, rester connu seulement de la famille, pour le moment.

Les quelques objets dont il était détenteur, vous seront adressés par le dépôt du corps.

Je vous prie d'être assuré, Monsieur, qu'en m'exprimant comme je viens de le faire sur le compte de ce vaillant officier, je n'ai fait que rendre hommage à la vérité.

Que Dieu vous donne la force et le courage nécessaires pour supporter ce douloureux sacrifice fait à la Patrie !

Veuillez agréer l'expression de Ma profonde et douloureuse sympathie.

(Source http://virtedit.free.fr/)

Mon arrière grand-mère a un jour reçu une lettre semblable qui lui expliquait combien le sacrifice de son mari avait été *utile* à la nation. Tellement utile qu'il se résumerait à un bout de métal à cinq branches que l'on ose nommer légion d'honneur. La nation a volé un mari à mon arrière-grand-mère, un père à ma grand-mère, un grand-père à ma mère... Et la nation se figure qu'avec un bout de métal émaillé et un défilé par an elle a fait son devoir de mémoire... Si j'en crois les informations dans quatre semaines des milliers de telles lettres seront de nouveau postées, certaines écrites en anglais mais la plupart en arabe. Des futures arrière-grand-mères arabes perdront leur mari, des futures grand-mères leur père, des futures mères leur grand-père. Encore et encore... Encore et encore... "Il est encore fécond le ventre de la bête immonde." Pourquoi cet enfoiré de Brecht a-t-il encore raison? Si des américains ne comprennent pas pourquoi les français s'opposent avec tant d'acharnement à cette guerre, explique leur toi Lulu que les sillons de nos champs sont encore remplis de sang, que dans les greniers des familles d'Europe veillent 9 millions de lettres semblables, dis leur toi que la vie de mon arrière-grand-père valait plus qu'un baril de pétrole...